Périodiquement […] je lui trouve tout un tas d’excuses

Car il a beau me dire qu’il ne veut plus me voir,  à mes yeux, il est toujours le même homme ; il a toujours les qualités que je lui trouvais auparavant. Et, périodiquement, comme on le fait toujours quand on est bourré de scrupules et qu’on ne se pense pas supérieur à ceux qu’on aime, je lui trouve tout un tas d’excuses ou de bonnes raisons. J’éprouve de la colère, de l’incompréhension, du chagrin, mais pas de dégoût. Je lui en veux, indiscutablement. J’ai le sentiment d’avoir été puni d’un acte que je n’ai pas commis pour des raisons que je ne comprends pas.

Martin Winckler

fin de partie, beckett

Fini, c’est fini, ça va peut-être finir. (Un temps.) Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas.

Vous aussi ça vous fout le bourdon, cette incroyable entrée en matière ? Plus je relis, plus je trouve ça génial. Et ça fait des années que ça dure…

Et j’approuve.

Personnellement, je ne vais pas au théâtre, au cinéma, pour qu’on me raconte ma vie – je la connais, merci – ou celle de mon voisin de palier – si j’en avais un je lui demanderai. Rien ne m’intéresse autant que d’élargir mon champ de vision, découvrir d’autres mondes, d’autres sensibilités, d’autres histoires, être touché par des choses qui ne me concernent pas

Ici et maintenant, Diastème

Le livre des brèves amours éternelles [Andreï Makine]

Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes. Des plaisirs qui ne s’usent pas, des attachements persistants, des caresses à la vitalité des lianes : l’arbre meurt mais leurs entrelacs continuent à ondoyer. Cette obsession nous fait manquer tant de paradis fugaces, les seuls que nous puissions approcher au cours de nos fulgurants trajets de mortels. Les éblouissements surgissent dans des lieux souvent si humbles et éphémères que nous refusons de nous y attarder. Nous préférons bâtir nos rêves avec les blocs granitiques des décennies. Nous nous croyons destinés à une longévité de statues.

Parfois, il me faut attendre la page 632 pour comprendre pourquoi je lis un livre.

Citation

Que le ciel ici-bas se mette à puer et se change en fumier écarlate, et qu’on se traîne dedans en rampant jusqu’à ce qu’on en ait la bouche et les narines pleines, jusqu’à ce qu’on se noie dedans, chacun étreignant dans ses mains la gorge de son voisin. Je ne résiste plus à cette guerre, je m’en délecte.

Pourfendeur de nuages [Russell Banks]

 

Stopping by Woods on a Snowy Evening [Robert Frost]

Whose woods these are I think I know.
His house is in the village, though;
He will not see me stopping here
To watch his woods fill up with snow.

My little horse must think it queer
To stop without a farmhouse near
Between the woods and frozen lake
The darkest evening of the year.

He gives his harness bells a shake
To ask if there’s some mistake.
The only other sound’s the sweep
Of easy wind and downy flake.

The woods are lovely, dark and deep,
But I have promises to keep,
And miles to go before I sleep,
And miles to go before I sleep.

L’année de l’éclipse, Philippe de la Genardière

Ils ne se connaissaient pas qu’ils s’étaient déjà affrontés, les conflits en puissance s’annonçant nombreux maintenant qu’ils s’étaient risqués à une entrée problématique dans cette zone de tous les possibles, où quelqu’un qui n’était rien, une minute plus tôt, tout à coup s’impose dans votre réalité, la bouscule, l’envahit, de sorte qu’en un éclair, et vous vous en êtes rendu compte sans pouvoir réagir, votre vie n’est plus la même.

Raptus, Diane Meur

C’est vrai que, dans la conversation, il n’avait pas encore témoigné d’une grande intelligence, mais pas non plus du contraire de l’intelligence. Il était manifestement bon; et peut-on être bon sans avoir, quelque part, une étincelle d’intelligence? Et puis il osait se taire, aussi. Voilà dix minutes qu’il ne parlait pratiquement plus. Il y a des gens qui ne savent pas se taire, pour qui se taire est une grossièreté, une faute, une anomalie…